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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/104

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vous pas venu l’apprendre à mon pere, ou, pourquoi damnez-vous ce bon vieillard pour n’en avoir jamais rien su ? Doit-il être éternellement puni de votre paresse, lui qui étoit si bon, si bienfaisant, & qui ne cherchoit que la vérité ? Soyez de bonne foi, puis mettez-vous à ma place : voyez si je dois, sur votre seul témoignage, croire toutes les choses incroyables que vous me dites, & concilier tant d’injustices avec le Dieu juste que vous m’annoncez. Laissez-moi, de grace, aller voir ce pays lointain, où s’opérerent tant de merveilles inouies dans celui-ci, que j’aille savoir pourquoi les habitans de cette Jérusalem ont traité Dieu comme un brigand. Ils ne l’ont pas, dites-vous, reconnu pour Dieu. Que ferai-je donc, moi qui n’en ai jamais entendu parler que par vous ? Vous ajoutez qu’ils ont été punis, dispersés, opprimés, asservis ; qu’aucun d’eux n’approche plus de la même ville. Assurément ils ont bien mérité tout cela ; mais les habitans d’aujourd’hui, que disent-ils du déicide de leurs prédécesseurs ? Ils le nient, ils ne reconnoissent pas non plus Dieu pour Dieu : autant valoit donc laisser les enfans des autres.

Quoi ! dans cette même ville où Dieu est mort, les anciens ni les nouveaux habitans ne l’ont point reconnu, & vous voulez que je le reconnoisse, moi qui suis né deux mille ans après à deux mille lieues de-là. Ne voyez-vous pas qu’avant que j’ajoute foi à ce livre que vous appellez sacré, & auquel je ne comprends rien, je dois savoir par d’autres que vous quand & par qui il a été fait, comment il s’est conservé, comment il vous est parvenu, ce que disent dans le pays, pour leurs raisons, ceux qui le rejettent, quoiqu’ils sachent