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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/108

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doute respectueux. Je n’ai pas la présomption de me croire infaillible : d’autres hommes ont pu décider ce qui me semble indécis ; je raisonne pour moi & non pas pour eux ; je ne les blâme ni ne les imite : leur jugement peut être meilleur que le mien ; mais il n’y a pas de ma faute si ce n’est pas le mien.

Je vous avoue aussi que la majesté des Écritures m’étonne, la sainteté de l’Évangile parle à mon cœur. Voyez les livres des Philosophes avec toute leur pompe ; qu’ils sont petits près de celui-là ! Se peut-il qu’un livre, à la fois si sublime & si simple, soit l’ouvrage des hommes ? Se peut-il que celui dont il fait l’histoire ne soit qu’un homme lui-même ? Est-ce là le ton d’un enthousiaste ou d’un ambitieux sectaire ? Quelle douceur, quelle pureté dans ses mœurs ! quelle grace touchante dans ses instructions ! quelle élévation dans ses maximes ! quelle profonde sagesse dans ses discours ! quelle présence d’esprit, quelle finesse & quelle justesse dans ses réponses ! quel empire sur ses passions ! Où est l’homme, où est le sage qui sait agir, souffrir & mourir sans foiblesse & sans ostentation ? Quand Platon peint son juste imaginaire [1] couvert de tout l’opprobre du crime, & digne de tous les prix de la vertu, il peint trait pour trait Jesus-Christ : la ressemblance est si frappante, que tous les Peres l’ont sentie, & qu’il n’est pas possible de s’y tromper. Quels préjugés, quel aveuglement ne faut-il point avoir pour oser comparer le fils de Sophronis-

  1. (38) De Rep. Dial. 2.