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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/116

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écoulée ; je n’ai plus que le tems qu’il me faut pour en mettre à profit le reste, & pour effacer mes erreurs par mes vertus. Si je me trompe, c’est malgré moi. Celui qui lit au fond de mon cœur sait bien que je n’aime pas mon aveuglement. Dans l’impuissance de m’en tirer par mes propres lumieres, le seul moyen qui tue reste pour en sortir est une bonne vie ; & si des pierres mêmes Dieu peut susciter des enfans à Abraham, tout homme a droit d’espérer d’être éclairé lorsqu’il s’en rend digne.

Si mes réflexions vous amenent à penser comme je pense, que mes sentimens soient les vôtres, & que nous ayons la même profession de foi, voici le conseil que je vous donne. N’exposez plus votre vie aux tentations de la misere & du désespoir, ne la traînez plus avec ignominie à la merci des étrangers, & cessez de manger le vil pain de l’aumône. Retournez dans votre patrie, reprenez la religion de vos peres, suivez-la dans la sincérité de votre cœur, ne la quittez plus ; elle est très-simple & très-sainte ; je la crois de toutes les religions qui sont sur la terre, celle dont la morale est la plus pure, & dont la raison se contente le mieux. Quant aux frais du voyage n’en soyez point en peine, on y pourvoira. Ne craignez pas, non plus, la mauvaise honte d’un retour humiliant ; il faut rougir de faire une faute, et non de la réparer. Vous êtes encore dans l’âge où tout se pardonne, mais où l’on ne peche plus impunément. Quand vous voudrez écouter votre conscience, mille vains obstacles disparoîtront à sa voix. Vous sentirez que, dans l’incertitude où nous sommes, c’est une inexcusable présomption de professer une