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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/169

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ce M. Marcel-là doit prendre ses compatriotes pour autant de Romains !

Quand on aime on veut être aimé ; Émile aime les hommes, il veut donc leur plaire. À plus forte raison, il veut plaire aux femmes. Son âge, ses mœurs, son projet, tout concourt à nourrir en lui ce desir. Je dis ses mœurs, car elles y font beaucoup ; les hommes qui en ont, sont les vrais adorateurs des femmes. Ils n’ont pas comme les autres, je ne sais quel jargon moqueur de galanterie, mais ils ont un empressement plus vrai, plus tendre, & qui part du cœur. Je connoîtrois près d’une jeune femme un homme qui a des mœurs & qui commande à la Nature, entre cent mille débauchés. Jugez de ce que doit être Émile avec un tempérament tout neuf, & tant de raisons d’y résister ! Pour auprès d’elles, je crois qu’il sera quelquefois timide & embarrassé ; mais surement cet embarras ne leur déplaira pas, & les moins friponnes n’auront encore que trop souvent l’art d’en jouir & de l’augmenter. Au reste, son empressement changera sensiblement de forme selon les états. Il sera plus modeste & plus respectueux pour les femmes, plus vif & plus tendre auprès des filles à marier. Il ne perd point de vue l’objet de ses recherches, et c’est toujours à ce qui les lui rappelle, qu’il marque le plus d’attention.

Personne ne sera plus exact à tous les égards fondés sur l’ordre de la Nature, & même sur le bon ordre de la société, mais les premiers seront toujours préférés aux autres, & il respectera davantage un particulier plus vieux que lui, qu’un Magistrat de son âge. Étant donc, pour l’ordinaire,