Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/17

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mains que par celles des riches curés des villes. Un jour qu’on lui avoit donné quelque argent à distribuer aux pauvres, le jeune homme eut, à ce titre, la lâcheté de lui en demander. Non, dit-il, nous sommes frères, vous m’appartenez, & je ne dois pas toucher à ce dépôt pour mon usage. Ensuite il lui donna de son propre argent autant qu’il en avoit demandé. Des leçons de cette espèce sont rarement perdues dans le cœur des jeunes gens qui ne sont pas tout à fait corrompus."

" Je me lasse de parler en tierce personne ; & c’est un soin fort superflu ; car vous sentez bien, cher concitoyen, que ce malheureux fugitif c’est moi-même : je me crois assez loin des désordres de ma jeunesse pour oser les avouer, & la main qui m’en tira mérite bien qu’aux dépens d’un peu de honte je rende au moins quelque honneur à ses bienfaits."

" Ce qui me frappoit le plus étoit de voir, dans la vie privée de mon digne maître, la vertu sans hypocrisie, l’humanité sans faiblesse, des discours toujours droits et simples, & une conduite toujours conforme à ces discours. Je ne le voyois point s’inquiéter si ceux qu’il aidoit alloient à vêpres, s’ils se confessoient souvent, s’ils jeûnoient les jours prescrits, s’ils faisoient maigre, ni leur imposer d’autres conditions semblables, sans lesquelles, dût-on mourir de misère, on n’a nulle assistance à espérer des dévots."

" Encouragé par ses observations, loin d’étaler moi-même à ses yeux le zèle affecté d’un nouveau converti, je ne