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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/179

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toujours sur des objets qui lui plaisent, j’aurai soin de les lui rendre aussi amusans qu’instructifs. Voici le tems de la lecture & des livres agréables. Voici le tems de lui apprendre à faire l’analyse du discours, de le rendre sensible à toutes les beautés de l’éloquence & de la diction. C’est peu de chose d’apprendre les langues pour elles-mêmes, leur usage n’est pas si important qu’on croit ; mais l’étude des langues mene à celle de la grammaire générale. Il faut apprendre le Latin pour savoir le François ; il faut étudier & comparer l’un & l’autre, pour entendre les regles de l’art de parler.

Il y a d’ailleurs une certaine simplicité de goût qui va au cœur, & qui ne se trouve que dans les écrits des anciens. Dans l’éloquence, dans la poésie, dans toute espece de littérature, il les retrouvera, comme dans l’Histoire, abondans en choses, & sobres à juger. Nos auteurs, au contraire, disent peu & prononcent beaucoup. Nous donner sans cesse leur jugement pour loi, n’est pas le moyen de former le nôtre. La différence des deux goûts se fait sentir dans tous les monumens & jusque sur les tombeaux. Les nôtres sont couverts d’éloges ; sur ceux des anciens on lisoit des faits.

Sta, viator, Heroem calcas.

Quand j’aurois trouvé cette épitaphe sur un monument antique, j’aurois d’abord deviné qu’elle étoit moderne ; car rien n’est si commun que des Héros parmi nous, mais chez les anciens ils étoient rares. Au lieu de dire qu’un homme étoit un Héros, ils auroient dit ce qu’il avoit fait pour l’être.