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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/180

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À l’épitaphe de ce Héros, comparez celle de l’efféminé Sardanapale ;

J’ai bâti Tarse & Anchiale en un jour, & maintenant je suis mort.

Laquelle dit plus à votre avis ? Notre style lapidaire, avec son enflure, n’est bon qu’à souffler des nains. Les anciens montroient les hommes au naturel, & l’on voyoit que c’étoient des hommes. Xénophon honorant la mémoire de quelques guerriers tués en trahison dans la retraite des dix mille, ils moururent, dit-il, irréprochables dans la guerre & dans l’amitié. Voilà tout ; mais considérez dans cet éloge si court & si simple, de quoi l’auteur devoit avoir le cœur plein. Malheur à qui ne trouve pas cela ravissant !

On lisoit ces mots gravés sur un marbre aux Thermopyles :

Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses saintes loix.

On voit bien que ce n’est pas l’académie des inscriptions qui a composé celle-là.

Je suis trompé si mon Éleve, qui donne si peu de prix aux paroles, ne porte sa premiere attention sur ces différences, & si elles n’influent sur le choix de ses lectures. Entraîné par la mâle éloquence de Démosthène, il dira : c’est un Orateur ; mais en lisant Cicéron, il dira : c’est un Avocat.

En général, Émile prendra plus de goût pour les livres des anciens que pour les nôtres, par cela seul qu’étant les pre-