Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

perfidie à l’infidélité. J’ai peine à voir quel désordre & quel crime ne tient pas à celui-là. S’il est un état affreux au monde, c’est celui d’un malheureux père qui sans confiance en sa femme n’ose se livrer aux plus doux sentiments de son cœur, qui doute, en embrassant son enfant s’il n’embrasse point l’enfant d’un autre, le gage de son déshonneur, le ravisseur du bien de ses propres enfants. Qu’est-ce alors que la famille, si ce n’est une société d’ennemis secrets qu’une femme coupable arme l’un contre l’autre, en les forçant de feindre de s entr’aimer ?

Il n’importe donc pas seulement que la femme soit fidèle, mais qu’elle soit jugée telle par son mari, par ses proches par tout le monde ; il importe qu’elle soit modeste, attentive : réservée, & qu’elle porte aux yeux d’autrui, comme en sa propre conscience, le témoignage de sa vertu. Enfin s’il importe qu’un père aime ses enfants, il importe qu’il estime leur mère. Telles sont les raisons mettent l’apparence même au nombre des devoirs des femmes, & leur rendent l’honneur et la réputation non moins indispensables que la chasteté. De ces principes dérive, avec la différence morale des sexes, un motif nouveau de devoir & de convenance, qui prescrit spécialement aux femmes l’attention la plus scrupuleuse sur leur conduite, sur leurs manières, sur leur maintien. Soutenir vaguement que les deux sexes sont égaux, & que leurs devoirs sont les mêmes, c’est se perdre en déclamations vaines, c’est ne rien dire tant qu’on ne répondra pas à cela.

N’est-ce pas une manière de raisonner bien solide, de donner des exceptions pour réponse à des lois générales