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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/216

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de la guerre ? Sera-t-elle tantôt craintive [1] & tantôt brave, tantôt délicate & tantôt robuste ? Si les jeunes gens élevés dans Paris ont peine à supporter le métier des armes, des femmes qui n’ont jamais affronté le soleil, et qui savent à peine marcher, le supporteront-elles après cinquante ans de mollesse ? Prendront-elles ce dur métier à l’âge où les hommes le quittent.

Il y a des pays où les femmes accouchent presque sans peine, & nourrissent leurs enfans presque sans soin ; j’en conviens ; mais dans ces mêmes pays les hommes vont demi-nuds en tout tems, terrassent les bêtes féroces, portent un canot comme un havre-sac, font des chasses de sept ou huit cent lieues, dorment à l’air à plate-terre, supportent des fatigues incroyables, & passent plusieurs jours sans manger. Quand les femmes deviennent robustes, les hommes le deviennent encore plus ; quand les hommes s’amollissent, les femmes s’amollissent davantage ; quand les deux termes changent également, la différence reste la même.

Platon dans sa République donne aux femmes les mêmes exercices qu’aux hommes ; je le crois bien. Ayant ôté de son Gouvernement les familles particulieres, & ne sachant plus que faire des femmes, il se vit forcé de les faire hommes. Ce beau génie avoit tout combiné, tout prévu : il alloit au-devant d’une objection que personne peut-être n’eut songé à lui faire ; mais il a mal résolu celle qu’on lui fait. Je ne parle point de cette prétendue communauté de femmes dont

  1. (4) La timidité des femmes est encore un instinct de la nature contre le double risque qu’elles courent durant leur grossesse.