Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/220

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qui leur manque & pour diriger la nôtre. Elles doivent apprendre beaucoup de choses mais seulement celles qu’il leur convient de savoir.

Soit que je considère la destination particulière du sexe, soit que j’observe ses penchants, soit que je compte ses devoirs, tout concourt également à m’indiquer la forme d’éducation qui lui convient. La femme & l’homme sont faits l’un pour l’autre, mais leur mutuelle dépendance n’est pas égale : les hommes dépendent des femmes par leurs désirs ; les femmes dépendent des hommes & par leurs désirs et par leurs besoins ; nous subsisterions plutôt sans elles qu’elles sans nous. Pour qu’elles aient le nécessaire, pour qu’elles soient dans leur état, il faut que nous le leur donnions, que nous voulions le leur donner, que nous les en estimions dignes ; elles dépendent de nos sentiments, du prix que nous mettons à leur mérite, du cas que nous faisons de leurs charmes & de leurs vertus. Par la loi même de la nature, les femmes, tant pour elles que pour leurs enfants, sont à la merci des jugements des hommes : il ne suffit pas qu’elles soient estimables, il faut qu’elles soient estimées ; il ne leur suffit pas d’être belles, il faut qu’elles plaisent ; il ne leur suffit pas d’être sages, il faut qu’elles soient reconnues pour telles ; leur honneur n’est pas seulement dans leur conduite, mais dans leur réputation, & il n’est pas possible que celle qui consent à passer pour infâme puisse jamais être honnête. L’homme, en bien faisant, ne dépend que de lui-même, et peut braver le jugement public ; mais la femme en bien faisant, n’a fait que la moitié de sa tâche, & ce que l’on pense