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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/222

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leur vocation elles y renoncent, elles s’ôtent à elles-mêmes les droits qu’elles pensent usurper : si nous étions autrement, disent-elles, nous ne plairions point aux homme ; elles mentent. Il faut être folle pour aimer les foux ; le desir d’attirer ces gens-là montre le goût de celle qui s’y livre. S’il n’y avoit point d’hommes frivoles elle se presseroit d’en faire, & leurs frivolités sont bien plus son ouvrage que les siennes ne sont le leur. La femme qui aime les vrais hommes & qui veut leur plaire, prend des moyens assortis à son dessein. La femme est coquette par état, mais sa coquetterie change de forme & d’objet selon ses vues ; réglons ces vues sur celles de la Nature, la femme aura l’éducation qui lui convient.

Les petites filles presque en naissant aiment la parure : non contentes d’être jolies, elles veulent qu’on les trouve telles ; on voit dans leurs petits airs que ce soin les occupe déjà ; & à peine sont-elles en état d’entendre ce qu’on leur dit, qu’on les gouverne en leur parlant de ce qu’on pensera d’elles. Il s’en faut bien que le même motif très-indiscrétement proposé aux petits garçons, n’ait sur eux le même empire. Pourvu qu’ils soient indépendans & qu’ils aient du plaisir, ils se soucient fort peu de ce qu’on pourra penser d’eux. Ce n’est qu’à force de tems & de peine qu’on les assujettit à la même loi.

De quelque part que vienne aux filles cette premiere leçon, elle est très-bonne. Puisque le corps naît, pour ainsi dire avant l’ame, la premiere culture doit être celle du corps : cet ordre est commun aux deux sexes, mais l’objet de cette