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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/260

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Cette regle est le sentiment intérieur. Je ne répéterai point ce qui en a été dit ci-devant : il me suffit de remarquer que si ces deux regles ne concourent à l’éducation des femmes, elle sera toujours défectueuse. Le sentiment sans l’opinion ne leur donnera point cette délicatesse d’ame qui pare les bonnes mœurs de l’honneur du monde, & l’opinion sans le sentiment n’en fera jamais que des femmes fausses & déshonnêtes, qui mettent l’apparence à la place de la vertu.

Il leur importe donc de cultiver une faculté qui serve d’arbitre entre les deux guides, qui ne laisse point égarer la conscience, & qui redresse les erreurs du préjugé. Cette faculté est la raison : mais à ce mot que de question s’élevent ! les femmes sont-elles capables d’un solide raisonnement ? Importe-t-il qu’elles le cultivent ? Le cultiveront-elles avec succès ? Cette culture est-elle utile aux fonctions qui leur sont imposées, est-elle compatible avec la simplicité qui leur convient ?

Les diverses manieres d’envisager & de résoudre ces questions, font que, donnant dans les excès contraires, les uns bornent la femme à coudre & filer dans son ménage avec ses servantes, & n’en font ainsi que la premiere servante du maître : les autres, non contens d’assurer ses droits, lui font encore usurper les nôtres ; car, la laisser au-dessus de nous dans les qualités propres à son sexe, & la rendre notre égale dans tout le reste, qu’est-ce autre chose que transporter à la femme la primauté que la nature donne au mari ?

La raison qui mene l’homme à la connoissance de ses devoirs n’est pas fort composée ; la raison qui mene la femme