Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/259

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dédommagera ; à être enfin tous les jours de leur vie ce qu’elles seront bien aises d’avoir été lorsqu’elles comparaîtront devant lui. Voilà la véritable religion, voilà la seule qui n’est susceptible ni d’abus, ni d’impiété, ni de fanatisme. Qu’on en prêche tant qu’on voudra de plus sublimes ; pour moi, je n’en reconnois point d’autre que celle-là.

Au reste, il est bon d’observer que, jusqu’à l’âge où la raison s’éclaire & où le sentiment naissant fait parler la conscience, ce qui est bien ou mal pour les jeunes personnes est ce que les gens qui les entourent ont décidé tel. Ce qu’on leur commande est bien, ce qu’on leur défend est mal, elles n’en doivent pas savoir davantage : par où l’on voit de quelle importance est, encore plus pour elles que pour les garçons, le choix des personnes qui doivent les approcher & avoir quelque autorité sur elles. Enfin le moment vient où elles commencent à juger des choses par elles-mêmes, & alors il est temps de changer le plan des leur éducation.

J’en ai trop dit jusqu’ici peut-être. À quoi réduirons-nous les femmes, si nous ne leur donnons pour loi que les préjugés publics ? N’abaissons pas à ce oint le sexe qui nous gouverne, & qui nous honore quand nous ne l’avons pas avili. Il existe pour toute l’espèce humaine une règle antérieure à l’opinion. C’est à inflexible direction de cette règle que se doivent rapporter toutes les autres : elle juge le préjuge même : & ce n’est qu’autant que l’estime des hommes s’accorde avec elle, que cette estime doit faire autorité pour nous.