Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/272

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précautions, quelles mesures avez-vous prises pour les préserver du faux goût qui les égare ? Loin de rien opposer dans leur esprit à l’empire des préjugés publics, vous les avez nourris ; vous leur avez fait aimer d’avance tous les frivoles amusements qu’elles trouvent. Vous les leur faites aimer encore en s’y livrant. De jeunes personnes entrant dans le monde n’ont d’autre gouvernante que leur mère, souvent plus folle qu’elles, & qui ne peut leur montrer les objets autrement qu’elle ne les voit. Son exemple, plus fort que la raison même, les justifie à leurs propres yeux, & l’autorité de la mère est pour la fille une excuse sans réplique. Quand je veux qu’une mère introduise sa fille dans le monde, c’est en supposant qu’elle le lui fera voir tel qu’il est.

Le mal commence plus tôt encore. Les couvents sont de véritables écoles de coquetterie, non de cette coquetterie honnête dont j’ai parlé, mais de celle qui produit tous les travers des femmes & fait les plus extravagantes petites maîtresses. En sortant de là pour entrer tout d’un coup dans des sociétés bruyantes, de jeunes femmes s’y sentent d’abord à leur place. Elles ont été élevées pour y vivre ; faut-il s’étonner qu’elles s’y trouvent bien ? Je n’avancerai point ce que je vais dire sans crainte de prendre un préjugé pour une observation ; mais il me semble qu’en général, dans les pays protestants, il y a plus d’attachement de famille, de plus dignes épouses & de plus tendres mères que dans les pays catholiques ; &, si cela est, on ne peut douter que cette différence ne soit due en partie a l’éducation des couvents.

Pour aimer la vie paisible & domestique il faut la