Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/67

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cachés & les met si souvent en évidence. Hélas ! qui de nous n’entendit jamais cette importune voix ? On parle par expérience ; & l’on voudroit étouffer ce sentiment tyrannique qui nous donne tant de tourment. Obéissons à la nature, nous connaîtrons avec quelle douceur elle règne, & quel charme on trouve, après l’avoir écoutée, à se rendre un bon témoignage de soi. Le méchant se craint & se fuit ; il s’égaye en se jetant hors de lui-même ; il tourne autour de lui des yeux inquiets, & cherche un objet qui l’amuse ; sans la satire amère, sans la raillerie insultante, il seroit toujours triste ; le ris moqueur est son seul plaisir. Au contraire, la sérénité du juste est intérieure ; son ris n’est point de malignité, mais de joie ; il en porte la source en lui-même ; il est aussi gai seul qu’au milieu d’un cercle ; il ne tire pas son consentement de ceux qui l’approchent, il le leur communique.

Jettez les yeux sur toutes les nations du monde, parcourez toutes les histoires. Parmi tant de cultes inhumains & bizarres, parmi cette prodigieuse diversité de mœurs & de caractères, vous trouverez partout les mêmes idées de justice et d’honnêteté, partout les mêmes notions de bien & de mal. L’ancien paganisme enfanta des dieux abominables, qu’on eût punis ici-bas comme des scélérats, et qui n’offroient pour tableau du bonheur suprême que de, forfaits à commettre et des passions à contenter. Mais le vice, armé d’une autorité sacrée, descendoit en vain du séjour éternel, l’instinct moral le repoussoit du cœur de, humains. En célébrant les débauches de Jupiter, on admiroit la continence de Xénocrate ; la chaste Lucrèce