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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/72

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ces mêmes objets aux lumieres de la raison, tels que nous les montroit d’abord la Nature ; ou plutôt, soyons plus simples & moins vains ; bornons-nous aux premiers sentimens que nous trouvons en nous-mêmes ; puisque c’est toujours à eux que l’étude nous ramene, quand elle ne nous a point égarés.

Conscience ! conscience ! instinct divin ; immortelle & céleste voix, guide assuré d’un être ignorant & borné, mais intelligent & libre ; juge infaillible du bien & du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu ; c’est toi qui fais l’excellence de sa nature & la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’éleve au-dessus des bêtes, que le triste privilege de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans regle, & d’une raison sans principe.

Graces au Ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie ; nous pouvons être hommes sans être savans ; dispensés de consumer notre vie à l’étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines. Mais ce n’est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnoître & le suivre. S’il parle à tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l’entendent ? Eh ! c’est qu’il nous parle la langue de la Nature, que tout nous a fait oublier. La conscience est timide, elle aime la retraite & la paix ; le monde & le bruit l’épouvantent : les préjugés dont on la fait naître sont ses plus cruelle ennemis, elle fuit ou se tait devant eux ; leur voix bruyante étouffe la sienne, & l’empêche de se faire entendre ; le fanatisme ose la contrefaire, & dicter