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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/80

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Les sentimens que vous venez de m’exposer, lui dis-je, me paroissent plus nouveaux par ce que vous avouez ignorer, que par ce que vous dites croire. J’y vois, à peu de choses près, le théisme ou la religion naturelle, que les chrétiens affectent de confondre avec l’athéisme ou l’irréligion, qui est la doctrine directement opposée. Mais dans l’état actuel de ma foi, j’ai plus à remonter qu’à descendre pour adopter vos opinions, & je trouve difficile de rester précisément au point où vous êtes, à moins d’être aussi sage que vous. Pour être, au moins, aussi sincere, je veux consulter avec moi. C’est le sentiment intérieur qui doit me conduire à votre exemple, & vous m’avez appris vous-même qu’après lui avoir long-tems imposé silence, le rappeller n’est pas l’affaire d’un moment. J’emporte vos discours dans mon cœur, il faut que je les médite. Si, après m’être bien consulté, j’en demeure aussi convaincu que vous, vous serez mon dernier apôtre, & je serai votre prosélyte jusqu’à la mort. Continuez, cependant, à m’instruire ; vous ne m’avez dit que la moitié de ce que je dois savoir. Parlez-moi de la révélation, des Écritures, de ces dogmes obscurs sur lesquels je vais errant dès mon enfance, sans pouvoir les concevoir ni les croire, & sans savoir ni les admettre ni les rejetter.

Oui, mon enfant, dit-il en m’embrassant, j’acheverai de vous dire ce que je pense ; je ne veux point vous ouvrir mon cœur à demi : mais le desir que vous me témoignez étoit nécessaire, pour m’autoriser à n’avoir aucune réserve avec vous. Je ne vous ai rien dit jusqu’ici que je ne crusse pouvoir vous être utile, & dont je ne fusse intimement persuadé.