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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/83

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jours uniforme ; c’est avoir une vanité bien folle, de s’imaginer que Dieu prenne un si grand intérêt à la forme de l’habit du Prêtre, à l’ordre des mots qu’il prononce, aux gestes qu’il fait à l’autel, & à toutes ses génuflexions. Eh ! mon ami, reste de toute ta hauteur, tu seras toujours assez près de terre. Dieu veut être adoré en esprit & en vérité : ce devoir est de toutes les religions, de tous les pays, de tous les hommes. Quant au culte extérieur, s’il doit être uniforme pour le bon ordre, c’est purement une affaire de police ; il ne faut point de révélation pour cela.

Je ne commençai pas par toutes ces réflexions. Entraîné par les préjugés de l’éducation, & par ce dangereux amour propre qui veut toujours porter l’homme au-dessus de sa sphere, ne pouvant élever mes foibles conceptions jusqu’au grand Être, je m’efforçois de le rabaisser jusqu’à moi. Je rapprochois les rapports infiniment éloignés, qu’il a mis entre sa nature & la mienne. Je voulois des communications plus immédiates, des instructions plus particulieres ; & non content de faire Dieu semblable à l’homme, pour être privilégié moi-même parmi mes semblables, je voulois des lumieres surnaturelles ; je voulois un culte exclusif ; je voulois que Dieu m’eût dit ce qu’il n’avoit pas dit à d’autres, ou ce que d’autres n’auroient pas entendu comme moi.

Regardant le point où j’étois parvenu, comme le point commun d’où partoient tous les croyans pour arriver à un culte plus éclairé, je ne trouvois dans les dogmes de la religion naturelle que les élémens de toute religion. Je considérois cette diversité de sectes qui regnent sur la terre, & qui s’ac-