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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/85

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tel pays. Oser dire que Dieu nous juge ainsi, c’est outrager sa justice.

Ou toutes les religions sont bonnes & agréables à Dieu, ou, s’il en est une qu’il prescrive aux hommes, & qu’il les punisse de méconnoître, il lui a donné des signes certains & manifestes pour être distinguée & connue pour la seule véritable. Ces signes sont de tous les tems & de tous les lieux, également sensibles à tous les hommes, grands & petits, savans & ignorans, Européens, Indiens, Africains, Sauvages. S’il étoit une religion sur la terre hors de laquelle il n’y eût que peine éternelle, & qu’en quelque lieu du monde un seul mortel de bonne foi n’eût pas été frappé de son évidence, le Dieu de cette religion seroit le plus inique & le plus cruel des tyrans.

Cherchons-nous donc sincérement la vérité ? Ne donnons rien au droit de la naissance & à l’autorité des peres & des pasteurs, mais rappellons à l’examen de la conscience & de la raison tout ce qu’ils nous ont appris dès notre enfance. Ils ont beau me crier, soumets ta raison ; autant m’en peut dire celui qui me trompe ; il me faut des raisons pour soumettre ma raison.

Toute la théologie que je puis acquérir de moi-même par l’inspection de l’Univers, & par le bon usage de mes facultés, se borne à ce que je vous ai ci-devant expliqué. Pour en savoir davantage, il faut recourir à des moyens extraordinaires. Ces moyens ne sauroient être l’autorité des hommes : car nul homme n’étant d’une autre espece que moi, tout ce qu’un homme connoit naturellement, je puis aussi le connoî-