Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/90

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peur de prendre l’œuvre du démon pour l’œuvre de Dieu. Que pensez-vous de ce diallèle ?

Cette doctrine, venant de Dieu, doit porter le sacré caractère de la Divinité ; non seulement elle doit nous éclaircir les idées confuses que le raisonnement en trace dans notre esprit, mais elle doit aussi nous proposer un culte, une morale & des maximes convenables aux attributs par lesquels seuls nous concevons son essence. Si donc elle ne nous apprenoit que des choses absurdes & sans raison, si elle ne nous inspiroit que des sentiments d’aversion pour nos semblables & de frayeur pour nous-mêmes, si elle ne nous peignoit qu’un Dieu colère, jaloux, vengeur, partial, haïssant les hommes, un Dieu de la guerre & des combats, toujours prêt à détruire & foudroyer, toujours parlant de tourments, de peines, et se vantant de

    tre ce prophète à mort. Quand donc les païens mettoient à mort les apôtres leur annonçant un dieu étranger, & prouvant leur mission pu des prédictions & des miracles, je ne vois pas ce qu’on avoit à leur objecter de solide, qu’ils ne pussent à l’instant rétorquer contre nous. Or, que faire en pareil cas ? une seule chose : revenir au raisonnement, & laisser là les miracles Mieux eût valu n’y pas recourir. C’est là du bon sens le plus simple, qu’on n’obscurcit qu’à force de distinctions tout au moins très subtiles. Des subtilités dans le christianisme ! Mais Jésus-Christ a donc eu tort de promettre le royaume des cieux aux simples ; il a donc -tort de commencer le plus beau de ses discours par féliciter les pauvres d’esprit, s’il faut tant d’esprit pour entendre sa doctrine & pour apprendre à croire en lui. Quand vous m’aurez prouvé que je dois me soumettre, tout ira fort bien : mais pour me prouver cela, mettez-vous à ma portée ; mesurez vos raisonnements à la capacité d’un pauvre d’esprit, ou je ne reconnois plus en vous le vrai disciple de votre maître, & ce n’est pas sa doctrine que vous m’annoncez.