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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/91

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punir même les innocens, mon cœur ne seroit point attiré vers ce Dieu terrible, & je me garderois de quitter la religion naturelle pour embrasser celle-là ; car vous voyez bien qu’il faudroit nécessairement opter. Votre Dieu n’est pas le nôtre, dirois-je à ses sectateurs. Celui qui commence par se choisir un seul peuple & proscrire le reste du genre humain, n’est pas le pere commun des hommes ; celui qui destine au supplice éternel le plus grand nombre de ses créatures, n’est pas le Dieu clément & bon que ma raison m’a montré.

À l’égard des dogmes, elle me dit qu’ils doivent être clairs, lumineux, frappans par leur évidence. Si la religion naturelle est insuffisante, c’est par l’obscurité qu’elle laisse dans les grandes vérités qu’elle nous enseigne : c’est à la révélation de nous enseigner ces vérités d’une maniere sensible à l’esprit de l’homme, de les mettre à sa portée, de les lui faire concevoir afin qu’il les croye. La foi s’assure & s’affermit par l’entendement ; la meilleure de toutes les religions est infailliblement la plus claire : celui qui charge de mysteres, de contradictions, le culte qu’il me prêche, m’apprend par cela même à m’en défier. Le Dieu que j’adore n’est point un Dieu de ténebres, il ne m’a point doué d’un entendement pour m’en interdire l’usage ; me dire de soumettre ma raison, c’est outrager son Auteur. Le ministre de la vérité ne tyrannise point ma raison ; il l’éclaire.

Nous avons mis à part toute autorité humaine, & sans elle je ne saurois voir comment un homme en peut convaincre un autre en lui prêchant une doctrine déraisonnable. Mettons un moment ces deux hommes aux prises, & cherchons ce