Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/214

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& elles furent changées en serpens. Soit que ce changement fût réel des deux côtés, comme il est dit dans l’Ecriture, soit qu’il n’y eût de réel que le miracle d’Aaron & que le prestige des Magiciens ne fût qu’apparent, comme le disent quelques Théologiens, il n’importe ; cette apparence étoit exactement la même : l’Exode n’y remarque aucune différence ; & s’il y en eût eu, le Magiciens se seroient gardés de s’exposer au parallele ; ou, s’ils l’avoient fait, ils auroient été confondus.

Or les hommes ne peuvent juger des miracles que par leurs sens ; & si la sensation est la même, la différence réelle, qu’ils ne peuvent appercevoir, n’est rien pour eux. Ainsi le signe, comme signe, ne prouve pas plus d’un côté que de l’autre, & le Prophete en ceci n’a pas plus d’avantage que le Magicien. Si c’est encore là de mon beau style, convenez qu’il en faut un bien plus beau pour le réfuter.

Il est vrai que le serpent d’Aaron dévora les serpens des Magiciens. Mais, forcé d’admettre une fois la Magie, Pharaon put fort bien n’en conclure autre chose, sinon qu’Aaron étoit plus habile qu’eux dans cet art ; c’est ainsi que Simon, ravi des choses que faisoit Philippe, voulut acheter des Apôtres le secret d’en faire autant qu’eux.

D’ailleurs, l’infériorité des Magiciens étoit due à la présence d’Aaron. Mais Aaron absent, eux faisant les mêmes signes, avoient droit de prétendre à la même autorité. Le signe en lui-même ne prouvoit donc rien.

Quand Moise changea l’eau en sang, les Magiciens changerent l’eau en sang ; quand Moise produisit des grenouilles,