Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/218

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ce que je puis faire, & ce que je fais. Que si je prends quelquefois le ton affirmatif, ce n’est point pour en imposer au Lecteur ; c’est pour lui parler comme je pense. Pourquoi proposerois-je par forme de doute ce dont, quant à moi, je ne doute point ? Je dis exactement ce qui se passe dans mon esprit. "

"En exposant avec liberté mon sentiment, j’entends si peu qu’il fasse autorité, que j’y joins toujours mes raisons, afin qu’on les pese, & qu’on me juge. Mais quoique je ne veuille point m’obstiner à défendre mes idées, je ne me crois pas moins obligé de les proposer ; car les maximes sur lesquelles je suis d’un avis contraire à celui des autres, ne sont point indifférentes. Ce sont de celles dont la vérité ou la fausseté importe à connoître, & qui font le bonheur ou le malheur du Genre-l’humain."

Un Auteur qui ne sait lui-même s’il n’est point dans l’erreur, qui craint que tout ce qu’il dit ne soit un tissu de rêveries, qui, ne pouvant changer de sentimens, se défie du sien, qui ne prend point le ton affirmatif pour le donner, mais pour parler comme pense, qui, ne voulant point faire autorité, dit toujours ses raisons afin qu’on le juge, & qui même ne vent point s’obstiner à défendre ses idées ; un Auteur qui parle ainsi à la tête de son Livre, y veut-il prononcer des oracles ? veut-il donner des décisions ? &, par cette déclaration préliminaire, ne met-il pas au nombre des doutes ses plus fortes assertions ?

Et qu’on ne dise point que je manque à mes engagemens en m’obstinant à défendre ici mes idées. Ce seroit le comble