Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/24

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propre histoire vérifieroit si bien ma prédiction. Le fil de cette trame ne seroit pas difficile à suivre à qui sauroit comment mon Livre a été déféré. Je n’en puis dire davantage sans en trop dire, mais je pouvois au moins vous apprendre par quelles gens vous avez été conduit sans vous en douter.

Croira-t-on que quand mon Livre n’eût point été déféré au Parlement, vous ne l’eussiez pas moins attaqué ? D’autres pourront le croire ou le dire ; mais vous, dont la conscience ne sait point souffrir le mensonge, vous ne le direz pas. Mon discours sur l’inégalité a couru votre Diocese, & vous n’avez point donné de Mandement. Ma lettre à M. d’Alembert a couru votre Diocese, & vous n’avez point donné de Mandement. La nouvelle Héloîse a couru votre Diocese, & vous n’avez point donné de Mandement. Cependant tous ces livres, que vous avez lus, puisque vous les jugez, respirent les mêmes maximes ; les mêmes manieres de penser n’y sont pas plus déguisées : si le sujet ne les a pas rendu susceptibles du même développement, elles gagnent en force ce qu’elles perdent en étendue, & l’on y voit la profession de foi de l’Auteur exprimée avec moins de réserve que celle du Vicaire Savoyard. Pourquoi donc n’avez-vous rien dit alors ? Monseigneur, votre troupeau vous étoit-il moins cher ? Me lisoit-il moins ? Goûtoit-il moins mes Livres ? Etoit-il moins exposé à l’erreur ? Non, mais il n’y avoit point alors de Jésuites à proscrire ; des traîtres ne m’avoient point encore enlacé dans leurs pieges ; la note fatale n’étoit point connue, & quand elle le fut, le public avoit déjà donné son suffrage au Livre, il étoit trop tard pour faire du bruit. On aima mieux différer,