Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/274

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Ce que les Tribunaux civils ont à défendre n’est pas l’ouvrage de Dieu, c’est l’ouvrage des hommes ; ce n’est pas des âmes qu’ils sont chargés, c’est des corps ; c’est de l’Etat, & non de l’Eglise qu’ils sont les vrais gardiens ; & lorsqu’ils se mêlent des matieres de Religion, ce n’est qu’autant qu’elles sont du ressort des Loix, autant que ces matieres importent an bon ordre & à la sûreté publique. Voilà les saines maximes de la Magistrature. Ce n’est pas, si l’on veut, la doctrine de la puissance absolue, mais c’est celle de la justice & de la raison. Jamais on ne s’en écartera dans les Tribunaux civils, sans donner dans les plus funestes abus, sans mettre l’Etat en combustion, sans faire des Loix & de leur autorité le plus odieux brigandage. Je suis fâché, pour le Peuple de Geneve, que le Conseil le méprise assez pour l’oser leurrer par de tels discours, dont les plus bornés & les plus superstitieux de l’Europe ne sont plus les dupes. Sur cet article, vos Représentans raisonnent en hommes d’Etat, & vos Magistrats raisonnent en Moines.

Pour prouver que l’exemple de Morelli ne fait pas regle, l’Auteur des Lettres oppose à la procédure faite contre lui celle qu’on lit en 1632 contre Nicolas Antoine, un pauvre fou, qu’à la sollicitation des Ministres le Conseil fit brûler pour le bien de son ame. Ces auto-da-fé n’étoient pas rares jadis à Geneve, & il paroît, par ce qui me regarde, que ces Messieurs ne manquent pas de goût pour les renouveler.

Commençons toujours par transcrire fidélement les passages, pour ne pas imiter la méthode de mes persécuteurs.

"Qu’on voye le proces de Nicolas Antoine. L’Ordonnance