Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/289

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jamais, disent, après Montesquieu, les Représentans : ils ont raison. Cependant les ridicules outrageans, les impiétés grossieres, les blasphêmes contre la Religion sont punissables, jamais les raisonnements. Pourquoi cela ? Parce que, dans ce premier cas, on n’attaque pas seulement la Religion, mais ceux qui la professent ; on les insulte, on les outrage dans leur culte, on marque un mépris révoltant pour ce qu’ils respectent, & par conséquent pour eux. De tels outrages doivent être punis par les Loix, parcequ’ils retombent sur les hommes, & que les hommes ont droit de s’en ressentir. Mais où est le mortel sur la terre qu’un raisonnement doive offenser ? Où est celui qui peut se fâcher de ce qu’on le traite en homme, & qu’on le suppose raisonnable ? si le raisonneur se trompe ou nous trompe, & que vous vous intéressiez à lui ou à nous, montrez-lui soit tort, désabusez-nous, battez-le de ses propres armes. Si vous n’en voulez pas prendre la peine, ne dites rien, ne l’écoutez pas, laissez-le raisonner ou déraisonner, & tout est fini sans bruit, sans querelle, sans insulte quelconque pour qui que ce soit. Mais sur quoi peut-on fonder la maxime contraire de tolérer la raillerie, le mépris, l’outrage, & de punir la raison ? la mienne s’y perd.

Ces Messieurs voient si souvent M. de Voltaire. Comment ni leur a-t-il point inspiré cet esprit de tolérance qu’il prêche sans cesse, & dont il a quelquefois besoin. S’ils l’eussent un peu consulté dans cette affaire, il me paroît qu’il eût pu leur parler à-peu-près ainsi.

"Messieurs, ce ne sont point les raisonneurs qui font du mal, ce sont les caffards. La Philosophie peut aller son