Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/290

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train sans risque, le Peuple ne l’entend pas ou la laisse dire, & lu rend tout le dédain qu’elle a pour lui. Raisonner, est de toutes les folies des hommes celle qui nuit le moins au Genre-humain, & l’on voit même des gens sages entichés parfois de cette folie-là. Je ne raisonne pas, moi, cela est vrai, mais d’autres raisonnent ; quel mal en arrive-t -il ? Voyez, tel, tel, & tel Ouvrage ; n’y a-t-il que des plaisanteries dans ces Livres-là ? Moi-même enfin, si je ne raisonne pas, je fais mieux, je fais raisonner mes Lecteurs. Voyez mon chapitre des Juifs ; voyez le même chapitre plus développé dans le Sermon des Cinquante. Il y a là du raisonnement ou l’équivalent, je pense. Vous conviendrez aussi qu’il a peu de détour, & quelque chose de plus que des traits épars & indiscrets. "

"Nous avons arrangé que mon grand crédit à la Cour & ma toute-puissance prétendue vous serviroient de prétexte pour laisser courir en paix les jeux badins de mes vieux ans : cela est bon, mais ne brûlez pas pour cela des Ecrits plus graves ; car alors cela seroit trop choquant. "

"J’ai tant prêché la tolérance ! Il ne faut pas toujours l’exiger des autres, & n’en jamais user avec eux. Ce pauvre homme croit en Dieu ? passons-lui cela, il ne fera pas secte. Il est ennuyeux ? Tous les raisonneurs le sont. Nous ne mettrons pas celui-ci de nos soupes ; du reste, que nous importe ? Si l’on brûloit tous les Livres ennuyeux, que deviendroient les Bibliotheques ? & si l’on brûloit tous les gens ennuyeux, il faudroit faire un bûcher du pays. Croyez-moi, laissons raisonner ceux qui