Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/314

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au-dessus d’elle contre les Loix : suivez les progrès qui séparent ces deux termes ; vous connoîtrez à quel point vous en êtes, & par quels degrés vous y êtes parvenus.

Il y a deux siècles qu’un Politique auroit pu prévoir ce qui vous arrive. Il auroit dit : l’Institution que vous formez est bonne pour le présent, & mauvaise pour l’avenir ; elle est bonne pour établir la liberté publique, mauvaise pour la conserver ; & ce qui fait maintenant votre sûreté, sera dans peu la matiere de vos chaînes. Ces trois corps qui rentrent tellement l’un dans l’autre, que du moindre dépend l’activité du plus grand, sont en équilibre tant que l’action du plus grand est nécessaire & que la Législation ne peut se passer du Législateur. Mais quand une fois l’établissement sera fait, le corps qui l’a formé manquant de pouvoir pour le maintenir, il faudra qu’il tombe en ruine, & ce seront vos Loix mêmes qui causeront votre destruction. Voilà précisément ce qui vous est arrivé. C’est, sauf la disproportion, la chûte du Gouvernement Polonois par l’extrémité contraire. La constitution de la République de Pologne n’est bonne que pour un Gouvernement où il n’y a plus rien à faire. La vôtre, au contraire, n’est bonne qu’autant que le Corps législatif agit toujours.

Vos Magistrats ont travaillé de tous les tems, & sans relâche, à faire passer le pouvoir suprême du Conseil général au petit Conseil par la gradation du Deux-Cent ; mais leurs efforts ont eu des effets différens, selon la manière dont ils s’y sont pris. Presque toutes leurs entreprises d’éclat ont échoué, parce qu’alors ils ont trouvé de la résistance,