ville, que bien des François regardent comme triste par la privation des spectacles, deviendroit séjour des plaisirs honnêtes, comme il est celui de la philosophie & de la liberté ; & les Etrangers ne seroient plus surpris de voir que dans une ville où les spectacles décens & réguliers sont défendus, permette des farces grossieres & sans esprit, aussi traites au bon goût qu’aux bonnes mœurs. Ce n’est pas tout : peu-à-peu l’exemple des Comédiens Geneve, la régularité de leur conduite, & la considération dont elle les seroit jouir, serviroient modele aux Comédiens des autres nations & de leçon à ceux qui les ont traites jusqu’ici avec tant de rigueur & même d’inconséquence. On ne les verroit pas d’un côté pensionnés par le gouvernement & de l’autre un objet d’anathême ; nos Prêtres perdroient l’habitude de les excommunier & nos bourgeois de les regarder avec mépris ; & une petite République auroit la gloire d’avoir reforme l’Europe sur ce point, plus important, petit-être, qu’on ne pense."
Voilà certainement le tableau le plus agréable & le plus séduisant qu’on pût nous offrir ; mais voilà en même tems le plus dangereux conseil qu’on put nous donner. Du moins, tel est mon sentiment, & mes raisons sont dans cet écrit. Avec quelle avidité la jeunesse