Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/474

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mieux à des hommes. Tout en est mauvais & pernicieux, tout tire à conséquence pour les Spectateurs ; et le plaisir même du comique étant fondé sur un vice du cœur humain, c’est une suite de ce principe que plus la Comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs : mais sans répéter ce que j’ai déjà dit de sa nature, je me contenterai d’en faire ici l’application, et de jeter un coup-d’œil sur votre Théâtre comique.

Prenons-le dans sa perfection, c’est-à-dire, à sa naissance. On convient et on le sentira chaque jour davantage, que Molière est le plus parfait Auteur comique dont les ouvrages nous soient connus ; mais qui peut disconvenir aussi que le Théâtre de ce même Molière, des talents duquel je suis plus l’admirateur que personne, ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs, plus dangereuse que les livres mêmes où l’on fait profession de les enseigner. Son plus grand soin est de tourner la bonté et la simplicité en ridicule, et de mettre la ruse et le mensonge du parti pour lequel on prend intérêt ; ses honnêtes gens ne sont que des gens qui parlent, ses vicieux sont des gens qui agissent et que les plus brillants succès favorisent le plus souvent ; enfin l’honneur des applaudissements, rarement pour le plus estimable, est presque toujours pour le plus adroit.

Examinez le comique de cet Auteur : partout nous trouverez que les vices de caractère en sont l’instrument, et les défauts naturels le sujet ; que la malice de l’un punit la simplicité de l’autre ; que les sots sont les victimes des méchants : ce qui, pour n’être que trop vrai dans le monde,