Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/560

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à tous les Genevois, réunissant fréquemment les hommes, leur donnoient occasion de former entr’eux des sociétés de table, des parties de campagne, & enfin des liaisons d’amitié ; mais ces assemblées n’ayant pour objet que le plaisir, & la joie ne se formoient gueres qu’au cabaret. Nos discordes civiles, où la nécessité des affaires obligeoit de s’assembler plus souvent & de délibérer de sang-froid, firent changer ces sociétés tumultueuses en des rendez-vous plus honnêtes. Ces rendez-vous prirent le nom de cercles, & d’une fort trille cause sont sortis de très-bons effets.*

[* Je parlerai ci-après des inconvéniens.]

Ces cercles sont des sociétés de douze ou quinze personnes qui louent un appartement commode qu’on pourvoit à frais communs de meubles & de provisions nécessaires. C’est dans cet appartement que se rendent tous les après-midi ceux des associes que leurs affaires ou leurs plaisirs ne retiennent point ailleurs. On s’y rassemble, & la, chacun se livrant sans gêne aux amusemens de son goût, on joue, on cause on lit, on boit, on fume. Quelquefois on y soupe, mais rarement : parce que le Genevois est range & se plaît à vivre avec sa famille. Souvent aussi l’on va se promener ensemble, & les amusemens qu’on se donne sont des exercices propres à rendre & maintenir le corps robuste. Les femmes & les filles, de leur côte, se rassemblent par sociétés, tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre. L’objet de cette réunion est un petit jeu de commerce, un goûter, &, comme on peut bien croire, un intarissable babil. Les hommes, sans