Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/214

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je vous prie, que si le Public n’a point de preuves que fois pourvu des talens convenables pour réussir dans l’ouvrage que j’entreprends, on ne peut pas dire non plus, qu’il en ait du contraire. Voilà donc déjà pour moi un avantage considérable sur la plupart de mes concurrens ; j’ai réellement vis-à-vis d’eux une avance relative de tout le chemin qu’ils ont fait en arriere.

Je pars ainsi d’un préjugé favorable & je le confirme par les raisons suivantes, très-capables, à mon avis, de dissiper pour jamais toute espece de doute désavantageux sur mon compte.

1. On publié depuis un grand nombre d’années une infinité de journaux, feuilles & autres ouvrages périodiques en tout pays & en toute langue, & j’ai apporté la plus scrupuleuse attention ne jamais rien lire de tout cela. D’où je conclus que n’ayant point la tête farcie de ce jargon, je suis en état d’en tirer des productions beaucoup meilleures en elles-mêmes quoique peut-être en moindre quantité. Cette raison est bon pour le Public, mais j’ai été contraint de la retourner pour mon Libraire, en lui disant que le jugement engendre plus choses à mesure que la mémoire en est moins chargée, & qu’ainsi les matériaux ne nous manqueroient pas.

2. Je n’ai pas non plus trouvé à propos, & à-peu-près la même raison, de perdre beaucoup de tems à l’étude des sciences ni à celle des Auteurs anciens. La Physique systématique est depuis long-tems reléguée dans le pays des Romans, la Physique expérimentale ne me paroît plus que l’art d’arranger agréablement de jolis brimborions, & la Géométrie celui de se passer du raisonnement à l’aide de quelques formules.