Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/319

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médiocre, point de vices & peu de vertus. Il ne fuyoit ni ne cherchoit la réputation ; ſans convoiter les richeſſes d’autrui ; il étoit ménager des ſiennes, avare de celles de l’Etat. Subjugué par ſes amis & ſes affranchis, & juſte ou méchant par leur caractere, il laiſſoit faire également le bien & le mal, approuvant l’un & ignorant l’autre : mais un grand nom & le malheur des tems lui faiſoient imputer à vertu ce qui n’étoit qu’indolence. Il avoit ſervi dans sa jeuneſſe en Germanie avec honneur, & s’étoit bien comporté dans le Proconſulat d’Afrique : devenu vieux, il gouverna l’Eſpagne citérieure avec la même équité. En un mot, tant qu’il fut homme privé il parut au-desſſus de ſon état, & tout le monde l’eût jugé digne de l’Empire, s’il n’y fût jamais parvenu.

A la conſternation que jetta dans Rome l’atrocité de ces récentes exécutions & à la crainte qu’y cauſoient les anciennes mœurs d’Othon, ſe joignit un nouvel effroi par la défection de Vitellius qu’on avoit cachée du vivant de Galba, en laiſſant croire qu’il n’y avoit de révolte que dans l’armée de la haute Allemagne. C’eſt alors qu’avec le Sénat & l’ordre équeſtre, qui prenoient quelque part aux affaires publiques, le peuple même déploroit ouvertement la fatalité du ſort, qui ſembloit avoir ſuſcité pour la perte de l’Empire deux hommes, les plus corrompus des mortels par la molleſſe, la débauche, l’impudicité. On ne voyoit pas ſeulement renaître les cruautés commiſes durant la paix, mais l’horreur des guerres civiles où Rome avoir été ſi ſouvent prise par ſes