Le rétabliſſement des Sciences & des Arts a-t-il contribué à épurer ou corrompre les mœurs ? Voilà ce qu’il s’agit d’examiner. Quel parti dois-je prendre dans cette queſtion ? Celui, Meſſieurs, qui convient à un honnête homme qui ne ſait rien, et qui ne s’en eſtime pas moins.
Il ſera difficile, je le ſens, d’approprier ce que j’ai à dire au Tribunal où je comparois. Comment oſer blâmer les Sciences devant une des plus ſavantes Compagnies de l’Europe, louer l’ignorance dans une célèbre Académie, et concilier le mépris pour l’étude avec le reſpect pour les vrais Savans ? J’ai vu ces contrariétés, & elles ne m’ont point rebuté. Ce n’eſt point la Science, que je maltraite, me ſuis-je dit, c’eſt la vertu que je défends devant des hommes vertueux. La probité eſt encore plus chere aux Gens-de-bien que l’érudition aux Doctes. Qu’ai-je donc à redouter ? Les lumières de l’Aſſemblée qui m’écoute ? Je l’avoue ; mais c’eſt pour la conſtitution du diſcours, & non pour le ſentiment de l’Orateur. Les Souverains équitables n’ont jamais balancé à ſe condamner eux-mêmes dans des discuſſions douteuſes ; & la poſition la plus avantageuſe au bon droit eſt d’avoir à ſe défendre contre une partie integre & éclairée, juge en ſa propre cause.
À ce motif qui m’encourage il s’en joint un autre qui me