Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/409

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ſœur d’une humeur charmante & que tout le monde appelloit, Vénus, il aima mieux l’appeller Junon. Quel ſi grand crime eſt-ce donc, direz-vous, de fêter diſcrétement ſa ſœur ? La loi ne le permet-elle pas à demi dans Athenes, & dans l’Egypte en plein[1] ?… A Rome… oh à Rome ignorez-vous que les rats mangent le fer ? Notre ſage bouleverſe tout. Quant à lui, j’ignore ce qu’il faiſoit dans ſa chambre, mais le voilà maintenant furetant le Ciel pour ſe faire Dieu, non content d’avoir en Angleterre un temple où les barbares le ſervent comme tel.

A la fin, Jupiter s’aviſa qu’il faloit arrêter les longues diſputes & faire opiner chacun à ſon rang. Peres Conſcripts, dit-il à ſes collegues ; au lieu des interrogations que je avois permiſes, vous ne faites que battre la campagne ; j’entends que la cour reprenne ſes formes ordinaires : que penſeroit de nous ce postulant tel qu’il ſoit ?

L’ayant donc fait ſortir, il alla aux voix, en commençant par le pere Janus. Celui-ci conſul d’une après-dînée, déſigné le premier Juillet, ne laiſſoit pas d’être homme à deux envers, regardant à la fois devant & derriere : en vrai pilier de barreau il ſe mit à débiter fort diſertement beaucoup de belles choſes que le ſcribe ne put suivre, & que je ne répéterai pas de peur de prendre un mot pour l’autre. Il s’étendit ſur la grandeur des Dieux, ſoutint qu’ils ne devoient

  1. On ſait qu’il étoit permis en Egypte d’épouſer ſa ſœur de pere & de mere & cela étoit auſſi permis à Athenes, mais pour la ſœur de mere ſeulement. Le mariage d’Elpinice & de Cimon en fournit un exemple.