Quoiqu’il y eût divers avis, il paroiſſoit que Claude l’emporteroit, & Hercule qui ſait battre le fer tandis qu’il eſt chaud, couroit de côté & d’autre, criant : Meſſieurs, un peu de faveur ; cette affaire-ci m’intéreſſe ; dans une autre occaſion vous diſpoſerez auſſi de ma voix ; il faut bien qu’une main lave l’autre.
Alors le divin Auguste s’étant levé, perora fort pompeuſement & dit : Peres Conſcripts, je vous prends à témoin que depuis que je ſuis Dieu je n’ai pas dit un ſeul mot, car je ne me mêle que de mes affaires ; mais comment me taire en cette occaſion ? Comment dissimuler ma douleur que le dépit aigrit encore ? C’eſt donc pour la gloire de ce miſérable que j’ai rétabli la paix ſur mer & ſur terre, que j’ai étouffé les guerres civiles, que Rome eſt affermie par mes loix & ornée par mes ouvrages ? Ô Peres Conſcripts ! je ne puis m’exprimer, ma vive indignation ne trouve point de termes ; je ne puis que redire après l’éloquent Meſſala, l’Etat eſt perdu ! Cet imbécille qui paroît ne pas ſavoir troubler l’eau, tuoit les hommes comme des mouches. Mais que dire de tant d’illuſtres victimes ? Les déſaſtres de ma famille me laiſſent-ils des larmes pour les malheurs publics ? Je n’ai que trop à parler des miens[1]. Ce galant homme que vous voyez protégé par mon nom durant tant d’années, me marqua ſa reconnoiſſance en faiſant mourir Lucius Silanus un
- ↑ Je n’ai point traduit ces mots. Etiamſi Phormea Græce neſcit, ego ſcio ENTIKONTONΥKHNΔIHΣ. Seneſcit, ou ſe neſcit, parce que je n’y entends rien du tout. Peut-être aurois-je trouvé quelque éclairciſſement dans les adages d’Eraſme, mais je ne ſuis pas à portée de les conſulter.