Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/445

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La jeune vierge sort seule au milieu du peuple ; sans exposer ni cacher ses charmes, en marchant elle recueille ses yeux, resserre son voile, & en impose par la réserve de son maintien. Soit art ou hazard, soit négligence ou parure, tout concourt à rendre sa beauté touchante : le Ciel, la nature & l’amour qui la favorisent, donnent à ses négligences l’effet de l’art.

Sans daigner voir les regards qu’elle attire à son passage, & sans détourner les siens, elle se présente devant le Roi, ne tremble point en voyant sa colere & soutient avec fermeté son féroce aspect. Seigneur, lui dit-elle, daignez suspendre votre vengeance & contenir votre peuple. Je viens vous découvrir & vous livrer le coupable que vous cherchez & qui vous a si fort offensé.

À l’honnête assurance de cet abord, à l’éclat subit de ces chastes & fieres graces, le Roi confus de subjugué, calme sa colere & adoucit son visage irrité. Avec moins de sévérité, lui dans l’ame, elle sur le visage, il en devenoit amoureux. Mais une beauté revêche ne prend point un cœur farouche, & les douces manieres sont les amorces de l’amour.