Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

misère et dans l’oubli. Voilà ce qu’à la longue doit produire partout la préférence des talens agréables sur les talens utiles, & ce que l’expérience n’a que trop confirmé depuis le renouvellement des sciences & des arts. Nous avons des Physiciens, des Géomètres, des Chymistes, des Astronomes, des Poètes, des Musiciens, des Peintres : nous n’avons plus de citoyens ; ou s’il nous en reste encore, dispersés dans nos campagnes abandonnées, ils y périssent indigens & méprisés. Tel est l’état où sont réduits, tels sont les sentimens qu’obtiennent de nous ceux qui nous donnent du pain, & qui donnent du lait à nos enfans.

Je l’avoue cependant, le mal n’est pas aussi grand qu’il auroit pu le devenir. La prévoyance éternelle, en plaçant à côté de diverses plantes nuisibles des simples salutaires, & dans la substance de plusieurs animaux malfaisans le remède à leurs blessures, a enseigné aux Souverains qui sont ses ministres à imiter sa sagesse. C’est à son exemple que du sein même de sciences & des arts, sources de mille dérèglements, ce grand Monarque dont la gloire ne fera qu’acquérir d’âge en âge un nouvel éclat, tira ces sociétés célèbres chargées à-la-fois du dangereux dépôt des connoissances humaines & du dépôt sacré des mœurs, par l’attention qu’elles ont d’en maintenir chez elles toute la pureté, & de l’exiger dans les membres qu’ elles reçoivent.

Ces sages institutions, affermies par son auguste successeur & imitées par tous les Rois de l’Europe, serviront du moins de frein aux gens de lettres, qui tous aspirant à l’honneur d’être admis dans les Académies, veilleront sur eux-mêmes,