Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/337

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faire une note sensible, une quatrieme ou une sixieme note ; si d’ailleurs je ne puis venir à bout de l’exécuter sans me donner la torture, & s’il faut que je me souvienne exactement de ces cinq dièses ou de ces cinq bémols pour les appliquer à toutes les notes que je trouverai sur les mêmes positions ou à l’octave, & cela précisément dans le tems que l’exécution devient la plus embarrassante par la difficulté particuliere de l’instrument ? Mais ne nous imaginons pas que les Musiciens se donnent cette peine dans la pratique ; ils suivent une autre route bien plus commode, & il n’y à pas un habile homme parmi eux qui après avoir prélude dans le ton ou il doit jouer, ne fasse plus d’attention au degré du ton ou il se trouve & dont il connoit la progression, qu’au dièse ou au bémol qui l’affecte.

En général, ce qu’on appelle chanter & exécuter au naturel est, peut-être, ce qu’il y à de plus mal imagine dans la Musique : car si les noms des notes ont quelque utilité réelle, ce ne peut être que pour exprimer certains rapports, certaines affections déterminées dans les progressions des sons. Or, des que le ton change, les rapports des sons & la progression changeant aussi, la raison dit qu’il faut de même changer les noms des notes en les rapportant par analogie au nouveau ton, sans quoi l’on renverse le sens des noms & l’on ôte aux mots le seul avantage qu’ils puissent avoir, qui est d’exciter d’autres idées avec celles des sons. Le passage du mi au fa ou du si à l’ut, excite naturellement dans l’esprit du Musicien l’idée du demi-ton. Cependant, si l’on est dans le ton de si ou dans celui de mi, l’intervalle du si à l’ut ou du mi