Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/548

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

personne n’en pourroit souffrir le récitatif, & qu’une pareille Musique a grand besoin du secours des yeux, pour être supportable aux oreilles.

Je crois avoir fait voir qu’il n’y a ni mesure ni dans la Musique Françoise, parce que la langue n’en est pas susceptible ; que le chant François n’est qu’un aboyement continuel, insupportable à toute oreille non prevenue ; que l’harmonie en est brute, sans expression & sentant uniquement son remplissage d’ecolier ; que les airs François ne sont point des airs ; que le récitatif François n’est point du récitatif. D’ou je-conclus que les François n’ont point de Musique & n’en peuvent avoir ; *

[*Je n’appelle pas avoir une Musique, que d’emprunter celle d’une autre langue pour tacher de l’appliquer a la sienne, & j’aimerois mieux que nous gardassions notre maussade & ridicule chant, que d’associer encore plus ridiculement la mélodie Italienne a la langue Françoise. Ce dégoûtant assemblage, qui peut-être sera désormais l’étude de nos Musiciens, est trop monstrueux pour être admis, & le caractere de notre langue ne s’y prêtera jamais. Tout au plus, quelques pieces comiques pourront-elles passer en faveur de la symphonie ; mais je prédis hardiment que le genre tragique ne sera pas même tente. On a applaudi cet été à l’Opéra comique, l’ouvrage d’un homme de talent qui paroit avoir écoute la bonne Musique avec de bonnes oreilles, & qui en a traduit le genre en François d’aussi près qu’il etoit possible ; ses accompagnement sont bien imites sans être copies, s’il n’a point fait de chant, c’est qu’il n’est pas possible d’en faire. Jeunes Musiciens qui vous sentez du talent continuez de mépriser en public la Musique Italienne, je sens bien quoi votre intérêt présent l’exige, mais hâtez-vous d’étudier en particulier cette langue 8t cette Musique, si vous voulez pouvoir tourner un jour contre vos Camarades le dédain que vous affectez aujourd’hui contre vos Maîtres.] ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux.

Je suis, &c.