Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/286

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ménagée ; mais ces instans doivent être rares, courts & amenés avec art. Il faut, par une Musique douce & affectueuse, avoir déjà disposé l’oreille & le cœur à l’émotion, pour que l’une & l’autre se prêtent à ces ébranlemens violens, & il faut qu’ils passent avec la rapidité qui convient à notre foiblesse ; car quand l’ agitation est trop forte, elle ne peut durer, & tout ce qui est au-delà de la nature ne touche plus.

Comme je ne me flatte pas d’avoir pu me faire entendre par-tout allez clairement dans cet article, je crois devoir y joindre un exemple sur lequel le Lecteur, comparant mes idées, pourra les concevoir plus aisément. Il est tiré de l’Olympiade de M.Métastasio ; les curieux seront bien de chercher dans la Musique du même Opéra, par Pergolése, comment ce premier Musicien de son tems & du nôtre a traité ce Duo dont voici le sujet.

Mégaclès s’étant engagé à combattre pour son ami dans des jeux où le prix du vainqueur doit être la belle Aristée, retrouve dans cette même Aristée la maîtresse qu’il adore. Charmée du combat qu’il va soutenir & qu’elle attribue à son amour pour elle, Aristée lui dit à ce sujet les choses les plus tendres, auxquelles il répond non moins tendrement ; mais avec le désespoir secret de ne pouvoir retirer sa parole, ni se dispenser de faire, aux dépens de tout son bonheur, celui d’un ami auquel il doit la vie. Aristée, alarmée de la douleur qu’elle lit dans ses yeux, & que confirment ses discours équivoques & interrompus, lui témoigne son inquiétude, & Mégaclès ne pouvant plus supporter,