Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le plaisir physique qui résulte de l’Harmonie, augmente à son tour le plaisir moral de l’ imitation, en joignant les sensations agréables des Accords à l’Expression de la Mélodie, par le même principe dont je viens de parler. Mais l’Harmonie fait plus encore ; elle renforce l’Expression même, en donnant plus de juste & de précision aux Intervalles mélodieux ; elle anime leur caractere, & marquant exactement leur place dans l’ordre de la Modulation, elle rappelle ce qui précede, annonce ce que doit suivre, & lie ainsi les phrases dans le Chant comme les idées se lient dans le discours. L’Harmonie, envisagée de cette maniere, fournit au Compositeur de grands moyens l’Expression, qui lui échappent quand il ne cherche l’ Expression que dans la seule Harmonie ; car alors, au lieu d’animer l’Accent, il l’étousse par ses Accords, & tous les Intervalles, confondus dans un continuel remplissage, n’ offrent à l’oreille qu’une suite de Sons fondamentaux qui n’ont rien de touchant ni d’agréable, & dont l’effet s’arrête au cerveau.

Que sera donc l’Harmoniste pour concourir à l’Expression de la Mélodie & lui donner plus d’effet ? Il évitera soigneusement de couvrir le Son principal dans la combinaison des Accords ; il subordonnera tous ses Accompagnemens à la Partie chantante ; il en aiguisera l’ énergie par le concours des autres Parties ; il renforcera l’effet de certains passages par des Accords sensibles ; il en dérobera d’autres par supposition ou par suspension, en les comptant pour rien sur la Basse ; il sera sortir les Expressions fortes par des Dissonances majeurs ; il réservera les mineures pour des sentimens