Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/527

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Les deux raisons que je viens d’alléguer se réunissent dans toute leur forcé pour bannir du Drame lyrique les Fêtes & les Divertissemens qui non-seulement en suspendent l’action, mais, ou ne disent rien, ou substituent brusquement au langage adopté un autre langage opposé dont le contraste détruit la vraisemblance, affoiblit l’intérêt, & soit dans la même action poursuivie, soit dans un épisode inséré, blesse également la raison. Ce seroit bien pis, si ces Fêtes n’offroient au Spectateur que des sauts sans liaison, & des Danses sans objet, tissu gothique & barbare dans un genre d’ouvrage où tout doit être peinture & imitation.

Il faut avouer, cependant, que la Danse est si avantageusement placée au Théâtre, que ce seroit le priver d’un de ses plus grands agrémens que de l’en retrancher tout-à-fait. Aussi, quoiqu’on ne doive point avilir une action tragique par des sauts & des entrechats, c’est terminer très agréablement le Spectacle, que de donner un Ballet après l’Opéra, comme une petite Piece après la Tragédie. Dans ce nouveau Spectacle, qui ne tient point au précédent, an peut aussi faire choix d’une autre Langue ; c’est une autre Nation qui paroît sur la Scene. L’Art Pantomime ou la Danse devenant alors la Langue de convention, la parole en doit être bannie à son tour, & la Musique, restant le moyen de liaison, s’applique à la Danse dans la petite Piece, comme elle s’appliquoit dans la grande à la Poésie. Mais avant d’employer cette Langue nouvelle, il faut la créer. Commencer par donner des Ballets en action, sans avoir préalablement établi la convention des gestes ; c’est parler