Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/491

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LETTRE XVI. À LA MÊME.

MADAME,

J’eus l’honneur de vous écrire jeudi passé, & M. Genevois se chargea de ma lettre : depuis ce tems je n’ai point vu M. Barillot, & j’ai resté enfermé dans mon auberge comme un vrai prisonnier. Hier, impatient de savoir l’état de mes affaires, j’écrivis à M. Barillot, & je lui témoignai mon inquiétude en termes assez forts. Il me répondit ceci.

Tranquillisez-vous, mon cher Monsieur, tout va bien. Je crois que lundi ou mardi tout finira. Je ne suis point en état de sortir Je vous irai voir le plutôt que je pourrai.

Voilà donc, Madame, à quoi j’en suis ; aussi peu instruit de mes affaires que si j’étois à cent lieues d’ici : car il m’est défendu de paroître en ville. Avec cela toujours seul & grande dépense, puis les frais qui se sont d’un autre côté pour tirer ce misérable argent, & puis ceux qu’il a fallu faire pour consulter ce médecin, & lui payer quelques remedes qu’il m’a remis. Vous pouvez bien juger qu’il y a déjà long-tems que ma bourse est à sec, quoique je sois déjà assez joliment endetté dans ce cabaret : ainsi je ne mené point la vie la plus agréable du monde ; & pour surcroît do bonheur, je n’ai, Madame, point de nouvelles de votre part ; cependant je fais bon courage autant que je le puis, & j’espere qu’avant que vous receviez ma lettre je saurai la définition de toutes choses : car en vérité si cela duroit plus long-tems, je croirois que