Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/371

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dans les mêmes lieux, & je commencerai à juger par-là des vrais effets de la société ; car s’il est constant qu’elle rende les hommes meilleurs, plus elle est nombreuse & rapprochée, mieux ils doivent valoir ; & les mœurs, par exemple, seront beaucoup plus pures à Paris que dans le Valais ; que si l’on trouvoit le contraire, il faudroit tirer une conséquence opposée.

Cette méthode pourroit, j’en conviens, me mener encore à la connoissance des peuples, mais par une voie si longue & si détournée que je ne serois peut-être de ma vie en état de prononcer sur aucun d’eux. Il faut que je commence par tout observer dans le premier où je me trouve ; que j’assigne ensuite les différences, à mesure que je parcourrai les autres pays ; que je compare la France à chacun d’eux, comme on décrit l’olivier sur un saule ou le palmier sur un sapin, & que j’attende à juger du premier peuple observé que j’aie observé tous les autres.

Veuille donc, ma charmante prêcheuse, distinguer ici l’observation philosophique de la satyre nationale. Ce ne sont point les Parisiens que j’étudie, mais les habitans d’une grande ville, & je ne sais si ce que j’en vois ne convient pas à Rome & à Londres tout aussi bien qu’à Paris. Les regles de la morale ne dépendent point des usages des peuples ; ainsi malgré les préjugés dominans, je sens fort bien ce qui est mal en soi ; mais ce mal, j’ignore s’il faut l’attribuer au François ou à l’homme, & s’il est l’ouvrage de la coutume ou de la nature. Le tableau du vice offense en tous lieux un œil impartial, & l’on n’est pas plus blâmable de