Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/426

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charmant visage inondé des pleurs de l’amour & de la tristesse ? Ne sens-tu pas tes yeux, tes joues, ta bouche, ton sein, pressés, comprimés, accablés de mes ardens baisers ? Ne te sens-tu pas embraser tout entiere du feu de mes levres brûlantes ?… Ciel ! qu’entends-je ? Quelqu’un vient… Ah ! serrons, cachons mon trésor… un importun !… Maudit soit le cruel qui vient troubler des transports si doux !… Puisse-t-il ne jamais aimer… ou vivre loin de ce qu’il aime !

LETTRE XXIII. DE L’AMANT DE JULIE À MDE D’ORBE.

C’est à vous, charmante cousine, qu’il faut rendre compte de l’Opéra ; car bien que vous ne m’en parliez point dans vos lettres & que Julie vous ait gardé le secret, je vois d’où lui vient cette curiosité. J’y fus une fois pour contenter la mienne ; j’y suis retourné pour vous deux autres fois. Tenez-m’en quitte, je vous prie, après cette lettre. J’y puis retourner encore, y bâiller, y souffrir, y périr pour votre service ; mais y rester éveillé & attentif, cela ne m’est pas possible.

Avant de vous dire ce que je pense de ce fameux théâtre, que je vous rende compte de ce qu’on en dit ici ; le jugement des connoisseurs pourra redresser le mien si je m’abuse.

L’Opéra de Paris passe à Paris pour le spectacle le plus pompeux, le plus voluptueux, le plus admirable qu’inventa jamais l’art humain. C’est, dit-on, le plus superbe monument