Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/485

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Dans la même vue, il lui fait tenir quelquefois des propos humeur, d’un goût tout contraire à celui qu’il lui donne. Telle est cette pointe de la Scene du Sonnet :

La peste de ta chute, empoisonneur du Diable !
En eusses-tu fait une à te cassèr le nez.

pointe d’autant plus déplacée dans la bouche du Misanthrope, qu’il vient d’en critiquer de plus supportables dans le Sonnet d’Oronte ; & il est bien étrange que celui qui la fait propose un instant après la chanson du Roi Henri pour un modele de goût. Il ne sert de rien de dire que ce mot échappe dans un moment de dépit : car le dépit ne dite rien moins que des pointes, & Alceste qui passe sa vie a gronder, doit avoir même en grondant, un ton conforme à son tour d’esprit.

Morbleu ! vil complaisant ! vous louez des sottises.

C’est ainsi que doit parler le Misanthrope en colore. Jamais une pointe n’ira bien après cela. Mais il faloit faire rire le Parterre ; & voilà comment on avilit la vertu.

Une chose assez remarquable, dans cette Comédie, est que les charges étrangères que l’Auteur a données au rôle du Misanthrope, l’ont force d’adoucir ce qui étoit essentiel au caractere. Ainsi, tandis que dans toutes ses autres Pieces les caracteres sont charges pour faire plus d’effet, dans celle-ci