Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/26

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elle est généreuse ou brutale, stupide ou éclairée, furieuse ou tranquille, selon l’ame qui la possede ; selon les circonstances, elle est l’épée du vice ou le bouclier de la vertu ; & puisqu’elle n’annonce nécessairement ni la grandeur de l’ame ni celle de l’esprit, elle n’est point la vertu la plus nécessaire au Héros. Pardonnez-le moi, Peuple vaillant & infortuné qui avez si long-tems rempli l’Europe du bruit de vos exploits & de vos malheurs. Non, ce n’est point à la bravoure de ceux de vos Concitoyens qui ont versé leur sang pour leur pays que j’accorderai la Couronne Héroique, mais à leur ardent amour pour la Patrie & à leur constance invincible dans l’adversité. Pour être des Héros avec de tels sentimens, ils auroient même pu se passer d’être braves.

J’ai attaqué une opinion dangereuse & trop répandue ; je n’ai pas les mêmes raisons pour suivre dans tous ces détails la méthode des exclusions. Toutes les vertus naissent des différens rapports que la Société a établis entre les hommes. Orle nombre de ces rapports est presqu’ infini. Quelle tache seroit-ce donc d’entreprendre de les parcourir ? Elle seroit immense ; puisqu’il y a parmi les hommes autant de vertus possibles que de vices réels ; elle seroit superflue, puisque dans le nombre des grandes & difficiles vertus dont le Héros a besoin pour bien commander, on ne sauroit comprendre comme nécessaires le grand nombre de vertus plus difficiles encore, dont la multitude a besoin pour obéir. Tel a brillé dans le premier rang qui, né dans le dernier, fût mort obscur sans s’être sait remarquer. Je ne sais ce qui fût arrivé d’Epictete, place sur le trône du Monde ; mais je sais qu’a la place d’Epictete