Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/407

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comme à Rome où nul n’oſoit s’égaler à lui, & que partout le coq est maître ſur ſon fumier. Il ſe remit donc à grogner, & autant qu’on put l’entendre il ſembla parler ainſi.

J’eſpérois, ô le plus sort de tous les Dieux ! que vous me protégeriez auprès des autres, & que ſi j’avois eu à me renommer de quelqu’un, c’eût été de vous qui me connoiſſez ſi bien. Car ſouvenez-vous-en, s’il vous plaît, quel autre que moi tenoit audience devant votre temple durant les mois de Juillet & d’Août ? Vous ſavez ce que j’ai ſouffert-là de miſeres, jour & nuit à la merci des avocats. Soyez ſûr, tout robuſte que vous êtes, qu’il vous a mieux valu purger les étables d’Augias que d’eſſuyer leurs criailleries, vous avez avalé moins d’ordures[1].

Or dites-nous quel Dieu nous ferons de cet homme-ci ? En ſerons-nous un Dieu d’Epicure, parce qu’il ne ſe ſoucie de personne ni personne de lui ? Un Dieu Stoïcien, qui, dit Varron, ne pense ni n’engendre ? N’ayant ni cœur ni tête il ſemble aſſez propre à le devenir. Eh Meſſieurs ! s’il eût demandé cet honneur à Saturne même, dont, préſidant à ſes jeux, il fit durer le mois toute l’année, il ne l’eût pas obtenu. L’obtiendra-t-il de Jupiter qu’il a condamné pour cauſe d’inceſte autant qu’il étoit en lui, en faiſant mourir Silanus ſon gendre, & cela pourquoi ? Parce qu’ayant une

  1. Il y a ici très-évidemment une lacune que je ne vois pourtant marquée dans aucune édition.