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Il8 DU CONTRAT SOCIAL

et contradictoire de stipuler, d'une part, une auto- rité absolue et, de l'autre, une obéissance sans bornes. N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger? Et cette seule condition, sans équivalent, sans échange, n'entraîne-t-elle pas la nullité de l'acte? Car quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu'il a m'appartient, et que, son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n'a aucun sens ?

Grotius et les autres tirent de la guerre une autre origine du prétendu droit d'esclavage ( 1 ). Le vainqueur ayant, selon eux, le droit de tuer le vaincu, celui-ci peut racheter sa vie aux dépens de sa liberté ; convention d'autant plus légitime qu'elle tourne au profit de tous deux.

Mais il est clair que ce prétendu droit de tuer les vaincus ne résulte en aucune manière de l'état de guerre ( 2 ). Par cela seul que les hommes, vivant

(') Cette discussion nouvelle n'est qu'une application à un sujet plus particulier des idées précédentes, car ce « prétendu droit d'esclavage » comprend nécessairement deux parties : r le droit, pour le vainqueur, d'exiger du vaincu l'abandon total de ses droits, — ce qui n'est qu'un cas particulier du droit du plus fort, critiqué dans le chap. précédent; 2° le droit, pour le vaincu, de racheter sa vie par l'abandon total de sa liberté, ce qui rentre dans le cas d'aliénation volontaire que Rousseau vient de discuter en général.

( 2 ) La démonstration de ce principe, qui va occuper les trois paragraphes suivants, est subtile et assez obscure ; elle porte pourtant sur une distinction chère à Rousseau, car il l'a plusieurs fois exposée, notamment dans un important fragment du Ms. de Neufchâtel, intitulé • « Que l'état de guerre naît de l'état social» (Édition Dreyfus-Brisac,

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